Affaire Guy Philippe :
Quel est l’intérêt juridique de la résolution
parlementaire ?
La controverse autour de
l'arrestation et le transfert aux Etats-Unis de Guy Philippe, figure
d'avant-garde de la sédition armée de 2004, et Sénateur fraichement élu de la
Grande-Anse, continue de s'enfler. Ces faits ont agité l'opinion publique tant
sur le plan national qu'international. La divergence d'opinions sur la légalité
de la procédure ainsi que les motivations politiques profondes de chacun ont
provoqué des échanges tumultueux et des remous fracassants dans les médias. En
écho aux turbulences des médias et de l'opinion publique, le Sénat de la République
vote, le 14 mars 2017, à l'unanimité, sur fond d'émotion patriotique pour
certains, et personnelle pour d'autres, une résolution condamnant les faits.
Cette intervention parlementaire
attise la controverse qui s'était déjà corsée par le déroulement du procès de
Guy Philippe devant un tribunal fédéral américain en Floride. Comment
comprendre la réaction parlementaire ? Quelle est la portée de cette
intervention ? Au-delà de l'interrogation que soulève l'influence que peut
exercer le Parlement dans cette affaire, il faut se demander : « Quel est
l'intérêt juridique de la résolution parlementaire ? » En termes simples, quel
est l’avantage pour le Senat de voter cette résolution ?
En fait, il ne faut pas confondre force
juridique et intérêt juridique. Cet article tend à questionner, non pas la
force juridique limitée de la résolution, mais les enjeux entourant son adoption.
Il s'agit de comprendre l’intérêt juridique, c’est-à-dire les potentiels
avantages de la résolution, et à quoi elle peut virtuellement aboutir sur le
plan des rapports avec l'Exécutif dans le pays.
La
protection des prérogatives parlementaires.
La réaction parlementaire charrie à la fois
les émotions et les motivations vers l’identification de facteurs et d’acteurs
responsables des atteintes aux prérogatives parlementaires. La résolution du
Sénat introduit de nouveaux éléments dans le débat : l’espoir, la
tergiversation et surtout la contestation de la notion de compétence telle que perçue
au regard des faits. Pour les supporteurs du Sénateur, il s'agit de l'espoir.
Pour les adversaires, ce ne sont que des gymnastiques, des actes futiles.
Au-delà de l’antagonisme politique et idéologique, le rebondissement du débat
ouvre les perspectives de l'intérêt juridique de la résolution qui s'étend aux
avantages et aux besoins du Parlement de combattre les menaces à son
inviolabilité et à son immunité que pose une application abusive des normes de
droit international dont la supériorité normative ne peut jamais être prévalue
aux dépens du droit national. La résolution du Sénat exprime cette nécessité de
protection des prérogatives parlementaires et cette démarche de contestation d’une
extension abusive de compétence extraterritoriale exercée par les autorités
américaines.
La sauvegarde des privilèges garantis aux
membres des Assemblées Législatives constitue le fondement de la résolution du
14 mars qu’il faut se garder d’interpréter comme un simple avis ou une simple
déclaration de principe. La portée de cette résolution va plus loin. Elle formule
le refus de voir l’affaire Guy Philippe s’ériger en un antécédent défavorable
au corps législatif et du coup la volonté de préserver les Parlementaires
contre les manœuvres politiques internes et les jeux d’intelligence externes
susceptibles de leur causer des humiliations.
Le vote unanime de cette résolution annonce
la détermination d’engager des épreuves de force avec l’Exécutif quand il
s’agit du respect des prérogatives parlementaires. La multiplication de motions
d’opposition pourrait venir compromettre le fonctionnement de l’appareil
étatique dans les prochaines années en absence de compromis sur ce dossier. Car,
les personnalités parlementaires en affichant leur position s’attendent à la
collaboration de l’Exécutif, notamment pour épauler les efforts de la
diplomatie parlementaire.
Car, cette résolution, intervenue dans un
contexte particulier des rapports avec les Etats-Unis, soulève la question de
la vertu de la diplomatie parlementaire haïtienne. Elle peut être interprétée
comme l’une des premières actions du Parlement consistant à notifier aux
Etats-Unis la position politique de l’Etat haïtien dans le procès de Guy
Philippe. Avec l’intelligence politique que requiert la diplomatie, elle peut
ouvrir la voie à une coopération interparlementaire sur la question. Une
commission parlementaire ad hoc peut intervenir pour interpeller les autorités américaines
à reconnaitre les prérogatives de Guy Philippe comme Sénateur de la République,
parce que le droit international conditionne l’exercice de toute compétence extraterritoriale
au respect des immunités dont pourrait jouir l’auteur présumé des faits.
La diplomatie parlementaire haïtienne est en
droit faire valoir les irrégularités de la procédure et de dénoncer les
problèmes de l’application de la compétence universelle, de souligner que le
principe de non-intervention et l’obligation de respecter la souveraineté des
autres Etats limite la compétence personnelle (active et passive).
La résolution du Senat n’est pas juste un
vœu, elle relève de la démarche des Parlementaires à se prémunir contre des
formes de complot ou de trahison politique et à mettre en valeur des procédures
capables de revitaliser le rôle du Parlement appelé par cette urgence politique
à se pencher sur des lois organiques fixant les conditions d’application de la
notion de compétence personnelle et universelle dans le droit national. Et, le
Parlement se doit également d’adopter de nouvelles résolutions pour tracer le
périmètre de ce qui peut être accepté et de ce qui relève d’un abus dans les traités
avec les Etats-Unis.
La
définition des responsabilités politiques.
En effet, l’intérêt juridique de la résolution
réside et dans la protection des privilèges parlementaires et dans la potentielle
mise en œuvre de procédure visant à sanctionner les acteurs responsables dans
l’affaire Guy Philippe. Le Sénat dissipe le doute sur le fait que les
circonstances entourant l’arrestation et le transfert de Guy Philippe posent
une menace aux prérogatives parlementaires. Sa résolution peut être comprise
comme la mise en branle d’une procédure visant à identifier les acteurs
responsables et à les traduire par devant la Haute Cour de Justice.
En condamnant les faits, le Sénat reconnait
l’irrégularité de la procédure d’arrestation et l’implication politique de
certaines autorités haïtiennes dans l’affaire Guy Philippe. Au regard du droit
parlementaire, le fait pour des autorités politiques (Président, Ministres,
Secrétaires d’Etat, etc.) de négocier avec un pays étranger l’arrestation et la
déportation d’un sénateur élu, en dehors des procédures régulières, constitue
une infraction politique relevant de la compétence de la Haute Cour de Justice.
Face au mutisme de la loi sur la saisine de
la Chambre des Députés, rien n’interdit le Sénat d’adresser un rapport à celle-ci
pour mettre en œuvre la procédure de mise en accusation. Suivant cette logique,
la résolution du Senat peut être lue comme la première étape vers la mise en
accusation des acteurs politiques responsables dans l’affaire Guy Philippe.
Dans le cadre d’une autre hypothèse, la
Chambre des Députés peut s’autosaisir pour donner suite à la résolution du
Senat. Là encore, il n’existe aucune interdiction légalement définie. La
Chambre des Députés à la majorité des 2/3 de ses membres peut voter la
résolution de la mise en accusation.
Les acteurs politiques susceptibles d’être
inculpés en raison des faits pouvant être qualifiés de complot contre un Sénateur
élu seront mis en examen par l’ouverture d’une instruction judiciaire diligentée
par une Commission d’instruction constituée des membres de la Haute Cour de
Justice qui doivent analyser méticuleusement tous les faits, objets du complot.
Dès lors que la Commission d’instruction achève son instruction et produit son
rapport sur l’existence de charges suffisantes contre les personnes
poursuivies, l’affaire sera déférée par devant la Haute Cour de Justice qui rendra
sa décision finale sous forme de décret. Outre les peines de destitution et de déchéance
des droits politiques, le décret de la Haute Cour de Justice peut renvoyer les
personnes condamnées par devant les tribunaux ordinaires s’il y a lieu d’appliquer
d’autres peines et de statuer sur l’action civile.
L’adoption de cette résolution du Sénat tend
vers la protection des prérogatives parlementaires et la définition des responsabilités
politiques dans l’affaire Guy Philippe. Les personnalités parlementaires trouvent
une occasion de revaloriser leur rôle dans la vie de l’Etat. C’est l’occasion d’initier
la diplomatie parlementaire et de sortir de l’atonie législative. Les résolutions
sont des instruments parlementaires de grande souplesse pouvant aider à définir
les actes de diplomatie et de mission juridictionnelle du Parlement.
Au cours de l’histoire, différentes affaires
ont mis à mal l’orgueil de la nation. La réaction citoyenne ou parlementaire
doit aller au-delà des protestations et des mouvements d’indignation pour créer
les moyens d’aboutir au renforcement des institutions démocratiques afin que l’Haïtien
soit désormais en mesure de décider sur lui-même, par lui-même et pour lui-même.
1 commentaire:
Comme d habitue ca aboutira comme un film de television.....A suivre! Merci de nous informer a propos de la position du Senat Haitien concernant l'affaire Guy Philippe, Ces senateurs la parraissent trembler de peur, et choisissent d adopter avant tout des mesures pour se mieux proteger. L avenir dira le reste...
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